Le contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires: comment renforcer la sincérité budgétaire en France?
par Alexandre Guigue, Professeur de droit public, Directeur du Centre de recherche en droit Antoine Favre, Université Savoie Mont Blanc | Membre de la Chaire Droit et politique comparés, Université Jean Monnet Saint-Etienne
Introduction
Dans l’Union européenne, les institutions budgétaires indépendantes (IBI) jouent un rôle de plus en plus important dans la coordination des budgets des États membres et leur respect des normes européennes. Le réseau des IBI de l’UE en dénombre désormais 31[1]. Même si les plus anciennes datent de 1936 (Haut conseil des finances publiques en Belgique) et 1946 (Bureau d’Analyse des politiques économiques des Pays-Bas)[2], la plupart ont été créées en réponse à la crise économique et financière de 2008 (70 % des IBI). En 2009, le parti conservateur britannique a été parmi les premiers à réagir en créant un Bureau pour la responsabilité budgétaire (Office for Budget Responsibility). Il lui a donné une base légale après son accession au pouvoir en 2010 (Budget Responsibility and National Audit Act 2011). La même année, l’UE organise sa réponse. Dans la directive 2011/85[3], partie du six-pack, elle recommande que le «cadre de surveillance budgétaire» repose sur «de solides règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays et cohérentes avec les objectifs budgétaires définis au niveau de l’Union» et que ces règles soient fondées «sur des analyses fiables et indépendantes réalisées par des organismes indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle à l’égard des autorités budgétaires des États membres» (considérant 16)[4]. L’article 4 prévoit que «les prévisions macroéconomiques et budgétaires soient comparées aux prévisions les plus récentes de la Commission et, le cas échéant, à celles d’autres organismes indépendants». Dans son article 3 (2), le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012 prévoit que la Commission européenne propose les principes communs précisant le «rôle et l’indépendance des institutions chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles» énoncées par le traité (règle d’or). Les précisions arrivent en 2013 dans le règlement 473/2013, partie du two-pack. Les organismes indépendants sont définis comme «des organismes structurellement indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires de l’État membre, et fondés sur des dispositions juridiques nationales garantissant un niveau élevé d'autonomie fonctionnelle et de responsabilité». Les prévisions macroéconomiques indépendantes sont entendues, au sens du règlement comme «réalisées ou approuvées par des organismes indépendants». L’article 3 reprend la même idée en évoquant des «prévisions budgétaires produites ou approuvées par un organisme indépendant». Le même article prévoit un dialogue «technique» avec la Commission portant sur les «hypothèses qui sous-tendent la préparation des prévisions macroéconomiques et budgétaires[5]».
En France, la réaction est intervenue entre l’adoption du TSCG le 2 mars 2012 et celle du règlement 473/2013. La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques[6] a créé un Haut conseil des finances publiques (article 11) composé de onze membres, en comptant son président, qui est aussi le Premier Président de la Cour des comptes. Pour l’essentiel, il était prévu que le Haut conseil rende un avis sur les prévisions macroéconomiques retenues par le gouvernement lors du dépôt des projets de lois de finances. Mais le dispositif n’est pas contraignant. Il dépend des saisines prévues par la loi et aussi des informations transmises par le gouvernement, en particulier le ministère de l’Économie et des Finances. Dans ses avis, cet IBI indique si les prévisions lui paraissent plausibles, optimistes, fragiles, etc. S’agit-il d’une «approbation» au sens du règlement de 2013? Cela se discute, car un avis non contraignant, même avec recommandations, a une portée plus faible qu’une «approbation»[7]. Mais le règlement est postérieur à la loi organique de 2012 et le dispositif français n’est pas le seul dans l’UE à s’inscrire en deçà de la lettre du règlement européen. «Neuf IBI n’ont qu’un rôle dans le processus qui n’est que celui de consultant[8]». Les IBI des États membres suivent plusieurs modèles et il n’existe pas de raison de considérer qu’un modèle est meilleur qu’un autre au regard des performances des États en matière financière, ou qu’il permet d’obtenir de meilleurs résultats au regard des objectifs d’équilibre budgétaire et financier européens. Une chose est plus certaine, en revanche. Le Haut conseil des finances publiques n’a pas permis à la France de respecter ses engagements européens en matière budgétaire[9]. À la fin de l’année 2024, le constat est même accablant. La loi de finances de fin de gestion du 6 décembre 2024 devait annuler 5,6 milliards d’euros de crédits pour limiter le déficit public à 6,1 %, et ce, alors que la Commission européenne avait déjà ouvert contre la France une procédure pour déficit excessif le 26 juillet 2024. La loi de finances pour 2024, adoptée un an plus tôt, tablait sur un déficit de 4,4 %. Comment la France a-t-elle pu en arriver à pareille situation alors qu’un principe de sincérité budgétaire a été consacré en 1993[10] et formalisé à l’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances en 2001, que les textes européens se sont durcis et que les textes budgétaires et financiers sont, depuis 2013, éclairés par les avis du Haut conseil des finances publiques?
L’objet de cet article est d’analyser l’échec du système français de contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires (I.), et d’envisager, ensuite, la possibilité d’un transfert du pouvoir de prévision à l’institution budgétaire indépendante (II.).
L’échec du système français de contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires
Il peut paraître radical d’affirmer que le système français de contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires est un échec. Pourtant, la situation des finances publiques françaises en 2024 oblige à dresser un tel constat. Dans les années 1990, l’émergence du principe de sincérité budgétaire avait pu faire espérer un contrôle plus resserré en la matière. L’expérience de ce principe original, en tout cas dans son volet budgétaire, est décevante tant en amont de la crise de 2008 que depuis lors (A.). La création du Haut conseil des finances publiques en 2012 en réponse à la crise n’a pas non plus permis d’améliorer la situation. Quinze ans après celle-ci et dans un environnement qui s’est extirpé des conséquences de la pandémie de Covid-19, l’expérience de l’IBI français appelle un constat semblable (B.).
Le bilan décevant du principe de sincérité budgétaire
Le principe de sincérité budgétaire est né en France de la méfiance de l’opposition à l’égard de la manière dont le gouvernement présente les charges et les ressources de l’État dans les projets de loi de finances. Les prévisions macroéconomiques et budgétaires sont, à cet égard, un déterminant puisqu’elles conditionnent les autres données financières. Mais c’est d’abord en matière de finances locales que cette méfiance s’est muée en une exigence de sincérité des auteurs des projets budgétaires. Associée en ce domaine à l’exigence de la présentation d’un budget équilibré, l’adjectif « sincère » est venu caractériser l’activité d’évaluation des recettes et des dépenses dans la loi du 2 mars 1982 avec pour but de lutter, notamment, contre les recettes « gonflées » et les dépenses sous-évaluées[11]. Le raisonnement transpose l’exigence de sincérité déjà présente dans la matière comptable qui permettait de lutter contre les inexactitudes et les dissimulations[12]. Au plan national, comme le fait majoritaire empêche l’opposition de contester efficacement les chiffres présentés dans les projets gouvernementaux, au delà de simples demandes d’information ou d’enquête sur pièce et sur place, elle se reporte sur le Conseil constitutionnel en invoquant l’insincérité du projet dans ses lettres de saisine. En d’autres termes, ils renvoient au juge le soin d’effectuer un contrôle que le Parlement n’est plus capable d’exercer.
Pendant une décennie, les sages de la rue de Montpensier sont restés sourds à l’argument, faute de disposition dans la Constitution qui leur permettrait de le reprendre à leur compte. Mais les lignes bougent en 1993 à l’occasion du contrôle d’un projet de loi de finances rectificative. L’opposition contestait l’évaluation des recettes escomptées de privatisations. Pour la première fois, le Conseil répond à l’argument. S’il ne donne pas satisfaction aux auteurs de la saisine[13], la réponse apportée les encourage à persister, ce qu’ils feront à nouveau à l’occasion du débat portant sur le projet de loi de finances pour 1994[14]. Mais c’est à l’occasion du contrôle du projet de loi de finances pour 1995 que le juge finit par consacrer définitivement le principe, une nouvelle fois sur fond de suspicion de mauvaise évaluation de recettes attendues de privatisations. Le Conseil intitule un paragraphe de sa décision «Sur la sincérité de la présentation générale de la loi de finances et de la méconnaissance alléguée des droits du Parlement», ce qui constitue une avancée, même si, une fois de plus, il conclut en dédouanant le gouvernement[15]. Au gré des décisions, le Conseil enrichit le principe en lui découvrant plusieurs facettes. Celle qui retient notre attention porte sur les prévisions. Dans une décision du 28 décembre 1995, le Conseil affirme ainsi que serait notamment irrégulière «une erreur manifeste dans l’évaluation des recettes[16]».
Il n’est guère besoin d’explorer plus avant la jurisprudence du Conseil puisque, dès 1996, une certaine gêne devient manifeste, une gêne qui explique que jamais un projet de loi de finances n’a été déclaré inconstitutionnel au motif de son insincérité. Dans sa décision du 30 décembre 1997 portant sur le projet de loi de finances pour 1998, le juge relève pourtant enfin une insincérité, mais n’en tire pas de conséquence sur la constitutionnalité du projet, douchant ainsi les espoirs qu’il avait fait naître chez les parlementaires et les universitaires[17]. De nombreuses raisons pourraient expliquer cette timidité et, bien que le grief ne portât pas en l’espère sur des questions de prévision, il devient patent que le Conseil constitutionnel craint les conséquences d’une inconstitutionnalité totale du projet, seule réponse possible à l’inscription de chiffres erronés. Quant aux prévisions macroéconomiques et budgétaires, il ne semble pas se sentir légitime pour les apprécier, faute sans doute d’expertise technique.
Si le principe de sincérité est textuellement consacré par la loi organique du 1er août 2001, le législateur organique se montre prudent. L’article 32 prévoit que «les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État», mais il poursuit en indiquant que «leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler[18]». Nul n’imagine, en effet, le Conseil constitutionnel rivaliser avec les services du ministère des Finances pour vérifier la tangibilité des prévisions, à commencer par le Conseil lui-même qui l’a justement confirmé dans sa décision portant sur la proposition de loi organique de 2001: «dans le cas de la loi de finances de l’année, des lois de finances rectificatives et des lois particulières prises selon les procédures d'urgence prévues à l’article 45, la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances[19]». Il ne s’agit donc plus de vérifier les prévisions du gouvernement, mais de n’intervenir que dans des cas extrêmes[20]. Après trois décennies de jurisprudence portant sur la sincérité budgétaire, le bilan est décevant. La crise économique et financière de 2008 entraîne une nouvelle étape, avec la création d’une institution budgétaire indépendante: le Haut Conseil des finances publiques.
Les insuffisances du Haut conseil des finances publiques
En créant une «règle d’or» des finances publiques pour les États signataires, le traité de stabilité, coordination et gouvernance du 2 mars 2012 a prévu que ceux-ci devaient l’inscrire dans leur droit «au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon». Cela implique non seulement l’inscription des règles portant sur la notion nouvelle de «déficit structurel», mais aussi les moyens juridiques de mise en œuvre du mécanisme de correction qui doit être déclenché automatiquement « si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif de moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation» (article 3).
Rapidement, le gouvernement français a fait le choix de passer par une loi organique. Alors que le traité invitait les États à se doter d’un mécanisme de contrôle renforcé, la voie choisie par la France est plutôt timide. Le nouveau Haut conseil des finances publiques (HCFP), dont le personnel est limité par comparaison à certaines autres IBI[21], ne sera saisi que pour rendre un avis sur différents projets de lois de finances. En effet, le texte prévoit que le HCFP est «saisi par le gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut» potentiel sur lequel repose le projet de programmation des finances publiques (article 13), «des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année» (article 14). Il en va de même lors du dépôt de projets de loi de finances rectificatives ou de lois de financements rectificatives de la Sécurité sociale (article 15), ainsi que lorsqu’au cours d’une procédure législative financière, le gouvernement entend «réviser les prévisions macroéconomiques» (article 16) et lors de la préparation d’un projet de programme de stabilité (article 17). Le dispositif est complété par des pouvoirs étendus accordés au Haut conseil pour s’informer. S’agissant du projet de loi de finances, il lui appartient « d’apprécier sa cohérence, notamment son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques » (article 15). L'article 23 de la loi organique prévoit enfin que, si le HCFP constate des écarts importants « que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques », le gouvernement doit en tenir compte « dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année ».
Le nouveau système, qui apparaît relativement léger par rapport à ceux mis en place par certains autres États membres de l’Union européenne, se caractérise par des interventions non contraignantes avec une saisine limitée. Comme le texte instituant ce nouvel IBI est une loi organique, il a été automatiquement soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Alors que celui-ci s’était montré particulièrement gêné pour tirer les conséquences d’éventuelles insincérités budgétaires, l’intervention nouvelle du HCFP en amont des textes budgétaires est venue, en apparence du moins, renforcer ses moyens de contrôle, puisque le HCFP dispose d’une compétence technique dont le Conseil ne dispose pas. La Haute Juridiction a ainsi rappelé qu’elle était chargée « de contrôler la conformité à la Constitution des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la Sécurité sociale » et que, « saisi dans le cadre de l'article 61 de la Constitution, il doit notamment s’assurer de la sincérité de ces lois ; qu’il aura à exercer ce contrôle en prenant en compte l’avis des institutions indépendantes préalablement mises en place »[22]. Le lien établi entre les avis du HCFP et la censure éventuelle d’un projet de loi de finances pour cause d’insincérité a pu redonner quelque espoir aux observateurs qui avaient critiqué le Conseil pour sa prudence en la matière. Douze ans plus tard, force est de constater que l’émergence du HCFP n’a pas abouti à un renforcement notable du contrôle de la sincérité budgétaire par le Conseil.
Installé le 21 mars 2013, le HCFP se dote d’un secrétariat dirigé par un rapporteur général dont le rôle est de préparer les avis de l’IBI. La LOLF prévoit que le projet de loi de finances doit lui être transmis « au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi » (art. 61-IV). Son avis est joint au projet qui est envoyé au Conseil d’État, ce qui est de nature à peser sur son avis et, in fine, sur la discussion budgétaire et l’éventuelle décision du Conseil constitutionnel avant promulgation.
Depuis 2013, les avis du HCFP se succèdent et leur portée, à l’instar du principe de sincérité budgétaire dont on aurait pu espérer qu’il se trouve renforcé, se révèle limitée. Dès le début, le Haut Conseil a eu pour souci de s’assurer de la cohérence entre les chiffres présentés dans le nouvel article liminaire du projet de loi de finances et ceux de la loi de programmation. Il s’agissait aussi de vérifier la cohérence des prévisions de recettes avec les prévisions macroéconomiques. S’agissant de ces dernières, le vocable choisi par le HCFP dès ses premières décisions consiste à les qualifier de « plausibles »[23]. L’adjectif empêche alors toute remise en cause de ces prévisions par le Conseil constitutionnel lors du contrôle a priori pour motif d’insincérité budgétaire. Outre la timidité du Haut Conseil, l’épisode des gilets jaunes est venu illustrer une autre limite du dispositif. Dans un contexte social dégradé, le gouvernement a décidé d’importantes concessions financières qu’il a intégrées dans une loi ordinaire portant mesures d’urgence économiques et sociales, adoptée le 24 décembre 2018 (13 milliards d’euros d'allègements fiscaux et sociaux, ainsi que des primes). La loi de financement de la Sécurité sociale avait été adoptée deux jours plus tôt, si bien qu’elle ignorait les nouvelles mesures. Saisi le 21 décembre 2018 du projet de loi de finances pour 2019 et invité à s’interroger sur la sincérité du texte, le Conseil constitutionnel s’est montré, une fois de plus, excessivement prudent, en refusant de voir le problème. Il s’est contenté de dédouaner le projet de loi de finances en constatant que celui-ci ne pouvait tenir compte de la loi d’urgence qui a été adoptée plus tard. Cet automne-là, les chiffres de la loi de finances et, par conséquent, l'avis du HCFP ont rapidement perdu en précision. Dans son avis sur le projet de loi portant mesures d’urgence, le Conseil d’État, seul saisi pour avis puisque le HCFP ne l’est pas pour les projets de loi ordinaire, s’est contenté d’accepter l’argument du gouvernement selon lequel les mesures nouvelles seraient financées par de nouvelles recettes et des économies supplémentaires sans que celles-ci ne soient précisées[24].
Après un peu moins de dix ans d’existence, la Cour des comptes a déploré, dans un rapport « le mandat étroit du HCFP » par rapport à d’autres IBI :
« en matière de finances publiques, le mandat du Haut Conseil porte presque exclusivement sur le solde structurel, tandis que la majorité des IBI européennes est compétente pour analyser plus largement la trajectoire des finances publiques. Certaines d’entre elles sont aussi chargées de chiffrer le coût ou le rendement de mesures nouvelles en recettes ou en dépenses, voire d’établir les projections de finances publiques, à l’instar de l’Office for budget responsibility britannique »[25].
Le législateur organique en a tiré quelques conséquences en étendant ses missions en 2021. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques étend son appréciation de la « cohérence de l’article liminaire » au « réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l’année » (art. 30). Il doit aussi vérifier la compatibilité entre les projets de loi de programmation prévus à l’article 34 de la Constitution et la loi de programmation des finances publiques. D’autres dispositions permettent de resserrer encore l’étau sur l’action budgétaire et financière du gouvernement. Mais, même approfondi, le système français demeure étroit par rapport à d’autres IBI européennes. La faible marge de manœuvre du HCFP apparaît assez nettement si l’on examine les conditions de sa mobilisation à l’automne 2024. Il a été saisi le 3 octobre 2024 de trois projets de lois de finances (projet de loi de finances initiale pour 2025, projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 et projet de loi de finances de fin de gestion 2024). Même avec les pouvoirs élargis issus de la loi organique de 2021, de telles conditions de délai rendent son travail très difficile, surtout que les informations ne lui parviennent qu’avec la saisine. Par comparaison, si le Conseil constitutionnel ne dispose que de huit jours pour rendre sa décision sur le projet de loi de finances initiale, ses membres suivent de près la discussion parlementaire pour s’informer en amont de la saisine. Au terme de notre analyse, il apparaît que ni le HCFP ni le Conseil constitutionnel ne pouvaient grand-chose face au dérapage de l’exercice financier de 2023-2025.
Au cœur du dérapage, il faut rappeler que, le 21 février 2024, le Premier ministre a pris un décret pour annuler 10 milliards d’euros de crédits prévus par la loi de finances pour 2025, adoptée quelques semaines plus tôt. La mesure a surpris tant en raison de son ampleur que de son adoption précoce. En effet, le montant a pratiquement atteint la limite annuelle des annulations de crédits autorisées par l’article 14 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, c’est-à-dire 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances. Le caractère soudain de la décision et la révélation fin mars 2024 d’un déficit pour 2023 beaucoup plus important que prévu ont conduit les parlementaires à user de leur pouvoir de contrôle sur pièce et sur place au ministère de l’Économie et des Finances (article 53 de la LOLF) pour essayer de comprendre si le gouvernement savait que le déficit allait être plus important que prévu (finalement de l’ordre de 5,5 % du PIB) au moment où il a fait adopter, après recours à l’article 49, alinéa 3, le projet de loi de finances pour 2024 qui tablait sur un solde effectif de 4,4 % du PIB. Une note du 7 décembre 2023 a été obtenue par les parlementaires dans laquelle les directions du Trésor et du Budget alertaient sur un dérapage du déficit. Le gouvernement a donc persisté à faire adopter un budget en cachant cette information. L’autre difficulté est la décision de réviser les prévisions de croissance pour 2024, les ramenant de 1,4 % à 1 % du PIB. Or, dans son avis n° 2023-8 du 27 septembre 2023, le HCFP estimait déjà que « la prévision de croissance (+1,4 %), supérieure à celles du consensus des économistes (+0,8 %) et des organismes qu’il a auditionnés, était élevée ». En conclusion, on ne peut que s’interroger avec Aurélien Baudu et Xavier Cabannes « sur la portée même du principe de sincérité consacré à l’article 32 de la LOLF et finalement sur le rôle du HCFP, qui semble devoir se contenter de mises en garde policées toutes contenues dans le choix d’adverbes et l’emploi du conditionnel »[26].
Une réforme d’ampleur apparaît de plus en plus nécessaire. Plutôt qu’un ensemble de modifications techniques comme en 2021, celle-ci devrait porter sur le système choisi en 2012.
II. La nécessaire réforme du système français du Haut conseil des finances publiques
Il serait prétentieux de considérer qu’il existe un modèle idéal de détermination et de contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires et, par conséquent, un mandat optimal pour une IBI. En Europe, il existe une grande variété de systèmes, et surtout des exemples d’IBI puissantes nées bien avant la crise de 2008. En partant de l’exemple français et en tirant quelques enseignements d’expériences étrangères, il est, toutefois, possible d’envisager des pistes d’amélioration. Notre raisonnement part des tâches externalisables dans le domaine du contrôle des finances publiques (A.) pour envisager sérieusement l’hypothèse du transfert de tout ou partie des prévisions macroéconomiques et budgétaires du ministère chargé des finances vers l’IBI (B.).
A. Les tâches externalisables dans le contrôle des finances publiques
Pour penser le contrôle en matière de finances publiques, nous proposons de repartir de la dichotomie classique entre le contrôle ex ante et le contrôle ex post. Il convient d’abord de rappeler que, dans un régime parlementaire, le Parlement n’est pas l’auteur du budget. Les textes budgétaires sont préparés par l’Exécutif qui recherche l’assentiment du Parlement pour leur donner force de loi. La procédure budgétaire française prévoit, ainsi, une multitude de moyens juridiques permettant au gouvernement d’assurer l’adoption du projet de loi de finances avant le 31 décembre, même s’il faut « forcer la main » du Parlement. L’article 49, alinéa 3 de la Constitution en est, à cet égard, l’illustration extrême. L’une des raisons fondamentales du rôle passif du Parlement au moment de l’adoption du budget réside dans le fait que ce dernier traduit de manière chiffrée les choix politiques du gouvernement. Si celui-ci est soutenu par une majorité de parlementaires, les grandes lignes du budget ne sont pas remises en cause. Cet ordonnancement explique que tout renforcement du rôle du Parlement se concentre plus sur ses moyens de contrôle que sur les moyens dont il dispose lors de la procédure budgétaire, en amont donc. En anglais, la distinction affecte les termes utilisés. Le pouvoir de décider est exprimé par le terme control, comme dans l’expression control of the purse (pouvoir financier), alors que le contrôle, au sens de la vérification et de la mise en question, est exprimé par le terme scrutiny (vérification).
Au moment de la création du HCFP, la question s’est posée de confier à la Cour des comptes les missions finalement dévolues au HCFP. Mais, pour François Ecalle, « la Cour des comptes n’avait pas les compétences techniques et la crédibilité suffisantes pour se prononcer sur des prévisions macroéconomiques et ne pouvait donc pas elle seule être chargée à la fois de la vérification des prévisions macroéconomiques et de la trajectoire de solde structurel »[27]. Le problème d’un tel transfert de pouvoir apparaît si l’on oppose contrôle ex ante et contrôle ex post. En effet, la Cour des comptes est l’institution française principale du contrôle ex post. Lui confier des tâches de contrôle ex ante aurait été risqué en raison de la dimension politique de ce contrôle, au contraire du contrôle ex post qui fait intervenir des techniques d’audit et d’évaluation qui ont un caractère objectif. La différence entre les deux temps du contrôle, ex ante et ex post, n’est pas simplement temporelle. Les actions ex ante ont des incidences sur la prise de décision budgétaire. Il est tout à fait légitime que, dans le débat politique, les parlementaires pèsent sur les décisions budgétaires du gouvernement. Ils le font par les débats qui portent sur le projet de loi de finances, en commission ou en séance publique, à condition que les parlementaires disposent d’une expertise suffisante. Cela peut aussi se matérialiser par la proposition et l’adoption d’amendements et lors des votes qui interviennent au cours de la procédure. À l’inverse, l’essentiel de la démarche ex post n’implique pas de peser sur les décisions budgétaires ou de s’immiscer dans les choix politiques du gouvernement. Le contrôle de l’exécution budgétaire et l’analyse des comptes publics prennent un tour plus objectif, moins politique donc. Certes, le contrôle ex post peut être une source d’information financière et d’expertise pour la prise de décisions budgétaires futures, c’est-à-dire en permettant que s’établisse un cercle vertueux entre les deux temps du contrôle financier. Mais l’essentiel demeure que les deux types de mission sont substantiellement distincts. Au Royaume-Uni, par exemple, leur distinction façonne le travail du Parlement.
En France, en 2012, la différence de nature entre les tâches ex post de la Cour des comptes et les nouvelles tâches qu’il s’agissait d’assurer en matière de prévisions macroéconomiques et budgétaires explique que le choix s’est porté sur la création d’une nouvelle institution dont l’indépendance serait garantie. Le Conseil constitutionnel l’a ainsi qualifié d’« organisme budgétaire indépendant »[28]. Le législateur organique n’a pu, toutefois, empêcher un certain mélange des genres en le plaçant auprès de la Cour des comptes et en le faisant présider par le Premier Président de la Cour des comptes. Sans doute lui est-il alors apparu qu’en assurant un tel rapprochement, la toute nouvelle IBI bénéficierait par capillarité de l’estime et de l’autorité qu’inspire la Cour.
En poursuivant le raisonnement fondé sur la distinction entre le contrôle ex ante et le contrôle ex post et en admettant le caractère objectivable et externalisable du second, la question se pose de la nature du contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires (tableau).
Tableau : Les tâches objectives et externalisables en matière de contrôle des finances publiques
Ex ante | Ex post |
Contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires | Contrôle de l’exactitude des comptes |
Contrôle des choix en matière de recettes et de dépenses | Évaluation de la performance budgétaire |
La seule tâche qui relève par nature des parlementaires est celle du contrôle des choix budgétaires du gouvernement. L’ensemble des autres tâches nécessite une expertise professionnelle renforcée et peut être externalisé. En matière de contrôle ex post, c’est ce qui explique le rôle du National Audit Office au Royaume-Uni qui, bien que placé au Parlement, est une institution composée d’experts. Bien que d’un statut différent, la même observation peut être formulée pour la Cour des comptes et le statut de ses membres.
Si le contrôle des prévisions macroéconomiques et budgétaires peut être confié à des experts non élus, c’est parce que la tâche n’est pas politique en soi. Vérifier que les prévisions sont « réalistes » ou « plausibles » n’est pas un exercice politique. Il en va de même de l’exercice de prévision lui-même. Déterminer le taux de croissance ou de l’inflation et estimer le coût de nouvelles mesures ou le rendement de telle ou telle recette sont des exercices difficiles et incertains. Mais ils n’ont rien de politique. Aussi, rien ne s’oppose à ce que ces tâches soient externalisées et confiées à un organisme non politique, c’est-à-dire non contrôlé par le gouvernement. Plusieurs pays européens ont fait ce choix (Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Hongrie, Pays-Bas, Roumanie, Espagne). D’autres ont adopté le système de « se conformer ou s’expliquer » (Belgique, Bulgarie, Croatie, Portugal, Espagne, Lettonie, Slovénie, Finlande, Estonie et Chypre)[29]. Il est temps que la France franchisse le pas et réforme le HCFP.
B. Le transfert des prévisions macroéconomiques et budgétaires au Haut Conseil des Finances publiques
Lors d’une audition devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2025, le président Coquerel a demandé à François Ecalle si les prévisions économiques faisaient l’objet d’interventions politiques. La réponse est éloquente :
« nous présentions nos prévisions techniques au cabinet du ministre, lequel nous faisait part – de façon très informelle – de son choix de chiffrage pour le taux de croissance ou le déficit public lorsque venait le moment de la prévision officielle »[30].
Comment ne pas mettre en perspective cette information avec les formules utilisées par le HCFP lorsqu’il rend son avis sur les prévisions ? Dans son avis du 29 janvier 2025 relatif à l’amendement des projets de lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2025, le HCFP estime, par exemple, que la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+ 0,9 %) est supérieure à celle du consensus des économistes (+ 0,7 %) »[31]. Dans cette perspective, il n’est pas étonnant que des chercheurs aient pu établir que la présence d’IBI en Europe a permis de faire baisser les erreurs de prévisions[32], même si leur efficacité dépend de leur influence réelle sur les prévisions.
Dans l’étude d’impact qui avait précédé l’adoption de la loi organique de 2012 portant création du HCFP, les systèmes étrangers avaient été évoqués, en particulier ceux qui prévoient la production de prévisions par une IBI, comme le Centraal Planbureau (CPB) créé aux Pays-Bas depuis l’après-guerre ou l’Office for budget responsibility créé au Royaume-Uni en 2010[33]. À l’époque, quelques voix s’étaient élevées en France contre le choix d’un système minimal de contrôle. Ainsi, dans une séance au Sénat du 29 octobre 2012, Jean Arthuis n’a pas mâché pas ses mots :
« Alors que de nombreux pays de l’Union européenne ont eu le courage de dissiper l’ambiguïté en s’en remettant à des institutions indépendantes pour établir les prévisions macroéconomiques, nous restons dans un système d’autoprévision pour arrêter la projection pluriannuelle des finances publiques et les projets de loi de finances. Nous savons trop bien que tout gouvernement chargé de cette évaluation est suspect de pratiquer le volontarisme politique, c’est-à-dire l’excès d’optimisme. Il est en effet plus aisé d’arbitrer le niveau des dépenses publiques lorsque les hypothèses de croissance sont élevées et qu’elles accréditent un niveau substantiel de ressources. Face à nos vicissitudes, je croyais que nous allions enfin nous conformer aux exemples que nous donnent plusieurs pays européens – je pense aux Pays-Bas, à la Grande-Bretagne –, en prenant appui sur des instituts ou des autorités indépendants. C’est une recommandation que formule de longue date notre commission des finances. De droite ou de gauche, les gouvernements ont toujours voulu garder la main sur les hypothèses macroéconomiques. Faut-il rappeler la constance et l’ampleur des écarts constatés pour justifier une réforme radicale ? Nous attendions une rupture avec cette pratique contestable ; il n’en est malheureusement rien. Les prévisions vont rester sous le contrôle du Gouvernement. Il est vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! … En tout état de cause, je le répète, il faudra aller jusqu’au bout. Pour ma part, je regrette que l’on n’ait pas institué un organisme indépendant, auquel on eût confié la responsabilité d’établir ces prévisions (…) »
Force est de constater qu’il existe, au sein de l’Union européenne et au-delà (Royaume-Uni), une tendance vers le transfert des prévisions macroéconomiques, voire budgétaires, au profit des IBI. Les deux systèmes qui impliquent de leur donner de tels pouvoirs prévoient soit que l’IBI dispose du monopole de cette détermination soit que l’IBI dispose d’un pouvoir alternatif de détermination que les parlementaires peuvent comparer aux prévisions du gouvernement. Dans les deux cas, les rôles sont inversés. Si le gouvernement ne souhaite pas retenir les prévisions de l’IBI, il doit s’en expliquer devant le Parlement, ce qui accentue sa responsabilité politique. Certes, le fait majoritaire peut balayer toute objection en cas de prévisions trop optimistes. Il reste que la pression sur l’Exécutif s’en trouve accentuée.
Quel que soit le système qui pourrait servir de modèle au Haut Conseil, une réforme en profondeur ne manquerait pas de soulever des questions importantes. La première porte sur le point de savoir si, à l’instar du Royaume-Uni, elle impliquerait un transfert de personnel depuis le ministère des Finances vers l’IBI ou un recrutement pur et simple d’experts qui feraient doublon avec ceux du ministère. Une autre possibilité serait pour l’IBI de se contenter des seuls consensus des économistes en matière macroéconomique. En cas d’écart, le gouvernement devrait se justifier, mais, sans autre pouvoir, l’IBI ne pourrait empêcher une certaine insincérité budgétaire ou des dérapages. Il y a ensuite la question du rôle du Haut Conseil en cas de modifications budgétaires imprévues. Dans un système de transfert complet comme celui en place au Royaume-Uni, l’Office for budget responsibility demeure tributaire des informations que lui transmet le gouvernement, en tout cas s’agissant des prévisions budgétaires[34], sans parler des modèles utilisés pour les prévisions dont la robustesse interroge[35]. En cas de modification soudaine, il faut s’assurer que l’IBI puisse intervenir. Il est ainsi arrivé à l’IBI britannique de réviser ses prévisions, mais de ne pas pouvoir les publier en raison d’un refus du gouvernement (2019). Si les modalités de saisine sont plus étendues pour l’IBI française depuis la loi organique de 2021, un pouvoir de prévision impliquerait qu’il puisse éventuellement s’autosaisir ou intervenir automatiquement en cas de changement conjoncturel ou de tout autre événement susceptible d’affecter les prévisions.
Les questions que soulève le transfert des prévisions macroéconomiques et budgétaires ne doivent pas être exagérées. De nombreux États européens n’ont pas attendu pour le faire, bien au contraire, et leurs systèmes sont globalement satisfaisants. Si des États comme la France dont la trajectoire ne respecte pas les normes européennes persistent à ne pas renforcer le leur, une modification du règlement de 2013 pourrait alors utilement renforcer la coordination et l’équilibre des budgets des États membres.
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[1] Le réseau a été créé en 2013 après une vague de créations d’institutions consécutive au renforcement des règles budgétaires en réponse à la crise économique et financière. EU Independent Fiscal Institutions. https://www.euifis.eu/pages/members (consulté le 27 novembre 2024)
[2] METZ, Théo, Institutions budgétaires indépendantes dans l’UE : présentations et perspectives. Bulletin de l’Observatoire des politiques économiques en Europe, n° 46, sept. 2022, p. 78. https://opee.unistra.fr/Institutions-budgetaires-independantes-dans-l-UE-presentations-et-perspectives (consulté le 1er février 2025).
[3] Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, JO L 306/41, 23.11.2011.
[4] Rappelons que le protocole prévoyant la procédure pour déficits excessifs prévoit depuis 1992 que les Etats doivent veiller à ce que leurs procédures budgétaires internes leur permettent de remplir leurs obligations découlant des traités. Cette exigence renforce, voire s’ajoute, inutilement l’obligation qui leur est faire d’exécuter le droit de l’Union.
[5] À cet égard, on peut signaler le rapport 2022/2023 du réseau des institutions budgétaires indépendantes qui évoque les propositions de réformes de la Commission. https://www.euifis.eu/getpublication/Network-of-EU-IFIs-Response-to-EC-Communication-Final.pdf. On peut aussi citer le enforcement du rôle consultatif des IBI dans le règlement (UE) 2024/1263, en particulier aux considérants 37 et 42.
[6] JORF 294, 18.12.2012.
[7] Il faut préciser que le terme utilisé varie selon les différentes langues et qu’il varie aussi selon les textes européens. Comme me l’a suggéré Frédéric Allemand lors d’échanges, il semblerait que l’Union européenne entretienne volontairement une forme d’ambiguïté sur l’intensité de l’« approbation » attendue des IBI.
[8] Ibid., p. 80.
[9] Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le « compliance tracker » établi par la Banque centrale européenne. https://commission.europa.eu/topics/fiscal-policy/european-fiscal-board-efb/compliance-tracker_en
[10] Cons. const., déc. n° 93-320 DC du 21 juin 1993, Loi de finances rectificative pour 1993.
[11] C’est encore la rédaction de l’article L. 1612-4 du Coge général des collectivités territoriales. Sur la méfiance, voir G. Orsoni, Science et législation financières, Budgets publics et lois de finances, Paris, Economica, 2005, p. 301, n° 304.
[12] Pour l’époque, voir les décrets n°79-124 du 5 février 1979, art. 1er alinéa 1, et n°93-283 du 1er mars 1983.
[13] Décision n°93-320 DC, 21 juin 1993, Rec. p. 146.
[14] Cette fois-ci, l’argument ne portait pas sur la sincérité de prévisions, mais sur la qualification d’un transfert à l’État de la dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel répond, mais rejette encore l’argument. Décision n°93-330 DC, 29 décembre 1993, Rec. p. 572.
[15] Décision n°94-351 DC, 29 décembre 1994, Rec. p. 140.
[16] Décision n°95-369 DC, 28 décembre 1995, Rec. p. 255.
[17] « L’atteinte ainsi portée à la sincérité de la loi de finances ne conduit pas pour autant, en l’espèce, à déclarer la loi déférée contraire à la Constitution”. Décision n°97-395 DC, 30 décembre 1997, Rec. p. 333.
[18] Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances n°2001-692, JO n°177 du 2 août 2001, p. 12480.
[19] Décision n°2001-448 DC, 25 juillet 2001, Rec. p. 99.
[20] Dès 1993, il apparaît clairement que le Conseil n’entend contrôler que l’erreur manifeste d’appréciation. E. Giannesini, Conseil constitutionnel, Cour des comptes, Haut Conseil des finances publiques : quelle définition et quel usage du principe de sincérité ?, Titre VII – Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Le contrôle de constitutionnalité des lois financières, Hors-série, juillet 2024, https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/conseil-constitutionnel-cour-des-comptes-haut-conseil-des-finances-publiques-quelle-definition-et. Dans cette étude, il est suggéré que la Cour des comptes est le meilleur contrôleur de sincérité. Mai il s’agit d’un contrôle exclusivement a posteriori.
[21] Le HCFP est composé de 11 membres. L’OBR britannique est composé de 3 membres, mais emploie 52 fonctionnaires. En Belgique, le Bureau fédéral du Plan emploie une centaine de personnes.
[22] Décision 2012-653 DC, 9 août 2012, § 27. La formule revient l’année suivante dans une décision rendue au sujet de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Décision 2012-658 DC, 13 sept. 2013 DC, § 52.
[23] « Les prévisions de croissance sont plausibles ». Voir l’avis 2013-03 sur le projet de loi de finances pour 2014. https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2013-3-lois-de-finances-2014 (consulté le 1er février 2025).
[24] Voir ALBERT, Jean-Luc, Des institutions financières indépendantes aux institutions budgétaires indépendantes, Un regard externe. GFP n° 4, 2019, p. 36.
[25] Cour des comptes, Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance, Rapport public thématique, 18 novembre 2020, pp. 35 à 37. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/finances-publiques-pour-une-reforme-du-cadre-organique-et-de-la-gouvernance (consulté le 1er février 2025)
[26] BAUDU, Aurélien, CABANNES, Xavier, Qui sème l’insincérité, récolte les annulations… AJDA 2024, p. 457.
[27] ECALLE, François, FIPECO. https://www.fipeco.fr/fiche/Le-Haut-Conseil-des-finances-publiques (consulté le 1er février 2025).
[28] Décision 2012-658 DC, 13 sept. 2013, § 60 et 61.
[29] METZ, Théo, Institutions budgétaires indépendantes dans l’UE : présentations et perspectives, op. cit.
[30] Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Compte rendu n° 075, 23 janvier 2025, p. 5.
[31] Haut Conseil des Finances Publiques, Avis n° HCFP - 2025 – 1 relatif à l’amendement des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025, 29 janvier 2025.
[32] BEETSMA, Roel, DEBRUN, Xavier, FANG Xiangming, KIM, Young, LLEDO, Victor, MBAYE, Samba, ZHANG, Xiaoiao, Independent Fiscal Councils: Recent Trends Performance. European Journal of Political Economy, Fiscal Frameworks in Europe, 57, 2019, pp. 53 à 69.
[33] Étude d’impact présentée avec le projet de loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
[34] Le Haut Conseil des finances publiques se plaint régulièrement de ne pas avoir obtenu certaines informations ou de ne les avoir eues que très tard. Voir par exemple son avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2024 à 2027. https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2024-2-programme-de-stabilite-2024-2027 (consulté le 1er février 2025). Avant 2021, le Haut conseil se plaignait régulièrement de ce manque d’informations. La Cour des comptes l’avait souligné dans son rapport de 2020. Cour des comptes, Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance, op. cit.
[35] Sur ce point, le contrôle est des plus légers. Le règlement (UE) 2024/1263 est silencieux sur ce point. Seule la COM est tenue de publier ses feuilles de calcul sur l’orientation des dépenses des Etats membres. Dans les orientations adoptées par la Commission européenne, une note de bas de page sur les exigences et les informations à fournir dans les plans budgétaires et structurels nationaux prévoit que des discussions pourront intervenir entre l’administration des Etats membres et la Commission européenne lors de leur dialogue technique. C’est bien peu au regard des enjeux considérables des prévisions.