L'endettement public dans l'histoire de la pensée économique des finances publiques en Europe: cas de la France et de l'Allemagne
par Alexandre Barro, doctorant en droit public, Université Jean-Moulin Lyon 3, CERFF
Introduction
Les finances publiques en Europe ont une histoire et cette histoire épouse les plis et les contours de l’économie politique[1]. Elles ont, de ce fait, un caractère pluri[2]ou multi[3]– disciplinaire[4]. On peut donc comprendre pourquoi Michel Bouvier, Marie-Christine Esclassan et Jean-Pierre Lassale affirment que «c’est à la lumière du droit, de l’économie, de la science politique, des sciences de gestion, de l’histoire, de la sociologie voire même de la psychologie que peuvent être comprises les finances publiques[5].» Rien d’étonnant à cette affirmation! car l’histoire, par exemple, nous permet de situer les moments forts dans l’évolution des finances publiques, les grandes idées et les pratiques des finances publiques dans le temps et au cours des âges[6]. L’économie à son tour, tout en étant l’environnement immédiat des finances publiques[7], entretient avec elles des rapports d’interdépendance[8]. Cette étroite connexion entre l’économie et les finances publiques a par ailleurs donné lieu en Europe à de nombreuses réflexions sur le rôle de l’Etat dans l’économie et la façon dont il devrait financer ses dépenses publiques. De ces réflexions est née l’idée de l’endettement public[9] comme moyen, entre autres, de financement des dépenses de l’Etat. En effet, en France comme en Allemagne, si la question de l’endettement des Etats a suscité à un moment donné un regain d’intérêt chez les économistes européens classiques ou/et contemporains, force est de constater que même de nos jours ce phénomène continue d’alimenter les débats[10].
Ainsi l’endettement public n’étant pas un fait nouveau mais plutôt un de ces phénomènes anciens qui continue de traverser les âges de l’histoire européenne de la pensée économique financière, le but de cet article sera donc dans un premier temps de montrer comment cette pensée économique relative aux finances publiques en Europe, notamment en France et en Allemagne, appréhende-t-elle, dans le temps, le phénomène de l’endettement public (partie 1). Puis, dans un second temps, de proposer une réflexion sur la façon dont on pourrait envisager ce phénomène aujourd’hui (21e siècle) surtout sous la menace de la crise sanitaire mondiale Covid-19 (partie 2).
L’endettement public dans l’histoire économique des finances publiques en Europe (France et Allemagne)
Deux périodes sont retenues, dans cette partie, pour analyser l’évolution en Europe des différentes conceptions[11]de l’endettement public dans l’histoire de l’économie financière. Le 19e siècle qui correspond à une conception classique de l’endettement public. Et, le 20e siècle qui, lui, cadre avec une conception plus moderne de l’endettement public.
La conception classique de l’endettement public
La conception de l’endettement public dans l’Europe du 19e siècle, et donc en France comme en Allemagne est celle d’économistes libéraux[12]: Adam Smith, François Quesnay, Jean-Baptiste Say, David Ricardo, Joseph Garnier, Paul Leroy-Beaulieu...
La vision classique des finances publiques, indispensable pour comprendre comment est analysé l’endettement public au 19e siècle, repose sur trois principes[13] développés par la pensée libérale. Premièrement, le principe de limitation des dépenses publiques[14] qui implique que les dépenses de l’Etat, uniquement soutenues par les prélèvements obligatoires (essentiellement par l’impôt), ne doivent servir qu’à financer les activités régaliennes[15]. Pour les libéraux, cantonner les dépenses de l’Etat aux seuls besoins des fonctions régaliennes permet d’assurer le progrès économique ; car celui-ci n’est effectivement possible que si l’Etat se contente non seulement de maintenir l’ordre public interne (police, justice) et international (diplomatie, défense) mais aussi, s’il s’interdit toute immixtion, par ses dépenses, dans le domaine économique.
Le deuxième principe est celui de la neutralité budgétaire. Ce principe pose le problème de l’importance des finances publiques dans la vie économique. A cet effet, il interdit que les deniers publics soient utilisés comme «moyens de faire fonctionner l’économie, de la relancer ou de la stabiliser; [car,] l’économie a ses lois naturelles [qu’il faut respecter] et on fait presque toujours plus de mal que de bien quand on prétend lutter contre elles[16]». Plus précisément le principe de neutralité budgétaire, en interdisant toute intervention des finances publiques dans la sphère économique, suppose d’une part, que les dépenses publiques se limitent au financement des fonctions régaliennes, et d’autre part, que l’Etat ne se serve pas des recettes publiques pour influencer ou moduler l’activité économique, les comportements des contribuables et la répartition des richesses entre eux[17].
Le troisième et dernier principe développé par la pensée libérale est celui de l’équilibre budgétaire. Selon ce principe, il doit exister une stricte égalité entre les recettes et les dépenses de l’Etat. C’est dans cette optique que Corinne Delon Desmoulin affirme que «le principe de l’équilibre budgétaire, règle d’or des finances publiques, implique que les dépenses soient d’un montant strictement identique à celui des recettes[18]». A sa suite, Caterina Severino précise également que l’équilibre budgétaire renvoie à «une correspondance parfaite entre l’ensemble des dépenses et l’ensemble des recettes»[19]. Au regard de ces affirmations, le principe de l’équilibre budgétaire implique donc que le budget de l’Etat ne doit jamais être présenté en déséquilibre[20]. L’équilibre budgétaire est ainsi «une règle d’or[21]» de la pensée libérale, et certains aujourd’hui l’ont même érigé en «véritable dogme[22]».
Ces trois principes, qui caractérisent la pensée libérale dominante dans l’Europe du 19e siècle, se rattachent à une certaine conception de la nature et du rôle de l’Etat que les libéraux ont développé à cette période de l’histoire. Celui-ci, devait se présenter essentiellement comme un Etat gendarme et sécuritaire – car confiné à ses missions régaliennes – et, de ce fait, comme un Etat minimal – puisque n’ayant aucune influence sur le fonctionnement du marché. Dans ce contexte, on peut donc voire que l’époque classique est hostile à toute idée d’emprunt public en tant que mode de financement de l’Etat[23].
Plusieurs grandes critiques justifiant cette hostilité sont adressées à l’emprunt et donc à l’endettement public. Pour commencer, dans la pensée libérale le principe est l’équilibre stricte, comme il a été susmentionné, entre les recettes et les dépenses. Dès lors, faire un emprunt public suppose de la part de l’Etat une augmentation de la dépense et donc un élargissement de l’activité publique. Ce qui est perçue comme un danger chez les adeptes de ce courant de pensée; puisque selon eux, toute extension de l’activité publique entraine automatiquement une diminution de l’activité privée en raison de la décision d’accroitre les impôts qu’elle engendrera pour éventuellement financer le remboursement de l’emprunt/dette[24].
Ensuite, ces auteurs libéraux qui préfèrent le financement des dépenses et des activités de l’Etat par l’impôt plutôt que par l’emprunt expliquent que ce dernier «serait plus couteux que le recours à l’impôt, puisque quel que soit le procédé d’émission de la dette que l’on retient[25]», il faut régler aux créanciers un intérêt annuel. Ce qui est en soi «plus couteux que de se contenter de prélever l’impôt[26]». Mais il y a autre chose: le paiement de l’intérêt pouvant se faire par l’impôt[27], on aboutirait non seulement à une surcharge de l’impôt – ce qui appauvrira davantage les contribuables – mais aussi à une situation d’injustice où ce sont les paysans et les travailleurs modestes qui auront à supporter le paiement de cet intérêt[28].
Une autre critique est faite à l’emprunt public toujours par les libéraux qui pensent que le recours à l’emprunt public peut inciter au «gaspillage des deniers publics[29]»; lorsque par exemple le remboursement est différé dans le temps[30]. Cette situation du report de remboursement, lorsqu’on part surtout du constat que l’Etat a une tendance naturelle à dépenser, peut effectivement encourager les gouvernants à emprunter excessivement avec le risque qu’ils fassent des dépenses inopportunes.
Dans l’optique par ailleurs de renforcer les critiques libérales sur le recours à l’endettement public, nous avons fait un constat : ceux qui décident d’emprunter ne sont pas personnellement concernés et inquiétés par le remboursement. Mais qui donc effectue ou supporte le remboursement? Deux hypothèses peuvent être avancées.
Dans la première, ce sont les générations présentes – l’emprunt public est ici nuisible dans la mesure où son remboursement (avec taux d’intérêt) va entrainer une hausse ou un prélèvement à la hausse des impôts. Ce qui pourra non seulement réduire la capacité d’épargne des citoyens, et donc la production et l’investissement, mais aussi réduire le pouvoir d’achat des ménages. Cependant la réduction du pouvoir d’achat des ménages, du fait d’une hausse des impôts, peut appauvrir le contribuable[31] ou porter atteinte à ses choix individuels, par exemple lorsqu’un contribuable voulant acheter un certain produit est obligé de modifier ou de revoir son choix à la baisse en termes de qualité/prix du produit.
Dans la seconde hypothèse, ce sont les générations futures. En effet, lorsqu’un prélèvement des impôts, pour le remboursement de la dette, n’est pas envisageable sur les contribuables présents parce qu’il risque par exemple de créer une frustration sociale, les gouvernements peuvent par pur calcul «stratégico-politique» répercuter ce prélèvement, et donc le financement de la dette sur les générations futures. Ce qui peut apparaitre comme une inégalité car ces générations futures vont devoir rembourser des dettes qu’ils n’auront pas contracté eux-mêmes[32].
Une critique en définitive concerne également la dette publique mais cette fois sur le plan de sa gestion. D’après cette critique, la dette ne doit pas être encouragée car ce ne sont pas toujours les mêmes gouvernements qui sont en charge de sa gestion. Et comme les politiciens ont conscience de cette réalité, c’est-à-dire faire des emprunts dont le remboursement sera géré par d’autres politiciens, ils peuvent être tentés de contracter des dettes abusivement et inutilement.
Partant de ces nombreuses critiques et au regard des principes libéraux qui caractérisent la vision classique des finances publiques, on peut effectivement se rendre compte que le 19e siècle en Europe, est une période hostile à toute idée d’emprunt public, et donc d’endettement de l’Etat. Cependant le 20e siècle, marqué par de profonds bouleversements d’ordre économique et social, verra apparaitre un renversement des doctrines libérales au profit d’une nouvelle façon de concevoir l’endettement public.
La conception moderne de l’endettement public
Le 20e siècle en Europe est une période très mouvementée. Il est en effet marqué par d’importants évènements ayant entrainé au sein des Etats de profonds bouleversements socio-économiques. On fait allusion, s’agissant de ces évènements bouleversants, aux deux guerres mondiales et à la crise économique et financière de 1929. Et ce sont bien ces évènements qui ont largement favorisé l’inflexion des idées libérales et, par le même fait, permis l’émergence d’une nouvelle façon de concevoir l’endettement public.
L’avènement au 20e siècle des guerres mondiales et de la crise financière oblige effectivement à une reconsidération du discours sur l’endettement public; dans la mesure où l’Etat, n’ayant pas suffisamment de ressources financières[33], doit cependant assurer non seulement le redressement économique qu’implique la crise financière mais aussi le financement des guerres et les réparations qu’elles exigent. Dans ce contexte de ressources limitées[34], l’endettement public apparait ainsi à la fois comme une nécessité et une solution pour l’Etat. Notons que le recours à l’endettement public pour financer les guerres concerne au 20e siècle tous les pays européens. D’ailleurs, Jean-Yves Grenier dira que «l’Europe fournit les meilleures illustrations que la guerre eut un rôle essentiel, presque permanent, comme facteur d’un endettement…[35]» Cette affirmation est d’autant plus vraie qu’on observe dans les différents pays d’Europe, notamment pendant les guerres, une véritable montée de la dépense publique due effectivement au recours à l’emprunt public pour financer ces guerres. En France par exemple, «la dépense publique représentait un peu plus de 10% du PIB avant 1914, puis près de 20% entre les deux guerres mondiales…[36]». Cette dynamique de la guerre et de l’endettement peut également se lire en Allemagne où les emprunts ont couvert un peu moins des deux tiers des dépenses de guerre[37]. Partant de ces exemples, on peut remarquer que le 20e siècle en Europe, contrairement au siècle précédent dominé par la philosophie libérale, est favorable à l’endettement de l’Etat; endettement évidemment justifiée par la nécessité d’accroitre ses capacités guerrières dans un contexte de ressources financières limitées.
L’approbation au 20e siècle du recours à l’endettement public est d’autant plus réelle que même après les périodes de crise et de guerre, les Etats européens (France, Allemagne…) vont continuer à s’endetter pour augmenter la dépense publique[38] dans le but cette fois-ci de réguler, d’orienter et de développer l’économie et la société. Dès lors, on peut se rendre compte que la conception de l’emprunt public est davantage reconsidérée car il n’est plus uniquement perçu comme un moyen pour faire face aux situations de crise mais il est également regardé comme un outil d’aide au progrès économique et social[39].
Cette double conception positive de l’endettement public[40] trouve ses origines dans les idées de l’économiste moderne John Maynard Keynes[41]. Pour lui effectivement le fait de s’endetter n’est pas toujours nocif, car l’endettement peut être aussi bénéfique pour l’Etat. D’abord dans des contextes particuliers de crise ou de guerre où, comme on l’a vu, l’emprunt peut lui rendre de nombreux services et davantage de services en raison de sa célérité[42]. Puis en période normale dans la mesure où l’emprunt public peut permettre de renforcer les capacités financières de l’Etat qui légitimement doit répondre à de nombreuses missions[43] : apporter son soutien aux entreprises en difficulté, stimuler la croissance, combattre le chômage, préserver le pouvoir d’achat des ménages, réduire les inégalités sociales[44]… Dans ce contexte, l’endettement public doit être regardé, selon Keynes, comme instrument de politique financière pour rechercher ou stimuler le développement socio-économique de la nation. Nous pensons que sous l’influence de la doctrine keynésienne, la conception de l’endettement public en Europe a été reconsidérée en partant probablement de l’idée que le problème n’est pas tant d’interdire à l’Etat de s’endetter mais plutôt de rechercher si les effets néfastes de l’emprunt sont inférieurs ou supérieurs aux avantages qui en découlent. Ce point de vue trouve un écho chez François Bonneville qui affirme que «durant le 20e siècle, l’idée est que le choix de la dette publique doit être fait au regard des avantages qui sont obtenus grâce à elle[45].»
Par ailleurs il n’est pas négligeable de préciser que John Maynard Keynes, en reconsidérant la conception de l’endettement public, modifie incidemment le rôle classique de l’Etat et la nature de ses finances. D’un Etat libéral au 19e siècle avec des finances limitées on passe à un Etat résolument interventionniste au 20e siècle avec des finances en extension. Ce rôle moderne de l’Etat et de ses finances repose sur trois principes[46] en opposition avec ceux antérieurement évoqués. On citera pour commencer, le principe de l’accroissement des dépenses publiques[47]. Ce principe, tout en interdisant à l’Etat d’avoir des ressources limitées, admet la possibilité d’un endettement. En effet l’Etat, étant désormais un acteur du progrès économique et social au même titre que les entreprises et les ménages mais avec des responsabilités beaucoup plus grandes, doit donc augmenter ses dépenses pour répondre aux nombreux besoins relevant de ces différents domaines (économie et social). Pour se faire, l’Etat, en plus de l’impôt, peut se tourner vers d’autres (res)sources financières comme par exemple l’emprunt/endettement public. Le deuxième principe est celui de l’interventionnisme financier[48]. Selon ce principe l’Etat peut ou doit, lorsque c’est nécessaire, se servir de ses finances pour intervenir dans les domaines économique (soutenir les entreprises en difficultés, développer l’industrie, stimuler la croissance…) et social (lutter contre les inégalités sociales, combattre le chômage...) Cet interventionnisme qui nécessite d’avoir des finances importantes suppose ainsi la possibilité pour l’Etat de recourir à l’emprunt afin d’accroitre ses capacités financières. Le troisième et dernier principe renvoie au déficit budgétaire. D’après ce principe, l’Etat peut s’autoriser un déficit budgétaire. C’est-à-dire un budget dans lequel les dépenses sont plus importantes que les recettes en raison des nombreuses missions de l’Etat dans la société. Dans ce contexte d’insuffisance financière, l’Etat peut cependant recourir à l’emprunt, et donc s’endetter pour couvrir le montant du déficit[49].
Ces différents principes – qui organisent le nouveau rôle de l’Etat et de ses finances – conjugués aux avantages reconnus à l’endettement public montrent effectivement que le 20e siècle fut une période favorable au développement du crédit public en Europe, et donc en France comme en Allemagne. Mais qu’en est-il de ce phénomène aujourd’hui? Plus exactement, comment l’endettement public est-il envisagé au 21e siècle surtout avec la crise sanitaire Covid-19? C’est la question sur laquelle nous allons maintenant tenter de réfléchir.
Essai de réflexion sur l’endettement public en Europe (France et Allemagne) au 21e siècle.
Si le 19e siècle, dominé par la philosophie libérale, repose sur l’idée que les dépenses de l’Etat doivent être uniquement financées par l’impôt; et que le 20e siècle lui, sous l’influence de la doctrine interventionniste, est favorable à un financement par l’emprunt public; le 21e siècle quant à lui, pourrait concilier ces deux ressources financières que sont l’impôt et l’emprunt. Cependant, cette conciliation peut s’avérer difficile à réaliser en période de crise sanitaire dans la mesure où les crises, tout en conduisant généralement à des baisses de l’impôt[50], provoquent très souvent des politiques interventionnistes qui favorisent des endettements importants.
Le 21e siècle et l’enjeu d’une combinaison entre l’impôt et l’emprunt public
Au 21e siècle, hors période de crise, on assiste dans plusieurs pays européens – en France et en Allemagne par exemple – à un désengagement de la puissance publique dans les domaines économique et social. Ce recul de l’Etat interventionniste est à l’origine du «renouveau de la tradition libérale[51]».
Le désengagement ou le recul de l’Etat interventionniste au profit d’un retour à l’Etat libéral peut s’expliquer, entre autres raisons[52], par le discrédit qui touche le modèle de l’Etat-providence depuis les années 1970. Précisons en effet que la gestion administrée de l’économie a été la règle dans tous les Etats occidentaux à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale[53]. Cependant, «au cours des années 1970 (…) le discrédit va [effectivement] peu à peu toucher le modèle de l’Etat [providence] affectant par la même les approches théoriques de type keynésien qui légitimaient jusque-là son action. Et c’est à la faveur de cette crise théorique[54] des modèles keynésiens que va [s’opérer] un véritable [retour à] la tradition libérale[55]», tradition prenant la forme au 21e siècle d’une consolidation budgétaire qui se traduira «dans la plupart des pays [européens de la zone euro] par une réduction drastique de la dépense publique[56]», et donc aussi des emprunts publics. De ce point de vue, le 21e siècle est effectivement une période dans laquelle les idées libérales retrouvent leur primauté. La primauté du libéralisme est davantage consolidée par le processus de construction d’une intégration européenne[57] mais aussi «par l’environnement [économique] international qui s’est profondément transformé depuis les années 1980 »[58] et qui est celui aujourd’hui : de la libéralisation et de «la libération des échanges commerciaux, [de] la déréglementation des transactions financières, des processus de concentration et de transnationalisation des firme…[59]» Une telle transformation de l’environnement international a pour effet d’instaurer une « économie mondiale caractérisée non seulement par une internationalisation croissante des échanges, qui, depuis plusieurs décennies, rend les pays de plus en plus interdépendants les uns des autres, mais aussi par une ‘globalisation’ du système financier qui fonctionne désormais à l’échelle mondiale et en temps réel[60] ». Et comme « les équilibres nationaux sont directement affectés par les déséquilibres extérieures »[61], les Etats européens, ne pouvant donc faire abstraction de la conjoncture internationale, n’ont pas eu le choix que de s’inscrire dans le contexte idéologique du libéralisme et d’opter pour l’économie de marché[62].
Cependant, si la construction d’une communauté européenne et l’interdépendance des économies et des marchés financiers sont, entre autres, les facteurs qui ont favorisé le recul de l’Etat providence et consolidé le retour du libéralisme et de l’économie de marché au 21e siècle, force est de reconnaitre qu’aujourd’hui l’interventionnisme étatique est un fait acquis[63]. On veut dire qu’aujourd’hui tout se passe comme si les Etats européens – à l’instar de la France et de l’Allemagne – tout en inscrivant leur politique financière dans le cadre théorique du libéralisme, s’efforcent, en réalité, de modeler l’économie et la société selon leurs préférences par des dépenses interventionnistes financées au moyen de l’emprunt public. Cette politique interventionniste n’est pour autant pas sans conséquence; car les Etats impliqués dans ce type de politique se trouvent souvent exagérément endettés[64]. C’est pourquoi l’Union européenne, dans l’optique d’assainir les finances publiques, encadre sévèrement les compétences budgétaires et fiscales des Etats membres afin de lutter contre les déficit et dettes excessifs[65]. Cette obligation d’assainissement des finances publiques en lien avec précisément le TSCG, exige que les «budgets des administrations publiques soient en équilibre ou en excédent; c’est la fameuse règle d’or budgétaire[66]» issue de la tradition libérale qui, rejetant l’interventionnisme étatique et ses instruments d’action : le déficit et l’endettement publics, défend plutôt l’idée d’un Etat gendarme dont les dépenses sont financées au moyen de l’impôt. Le TSCG, au regard de cette exigence d’équilibre budgétaire, peut ainsi être considéré comme l’instrument juridique communautaire à travers lequel la pensée libérale retrouve ses lettres de noblesse dans l’Europe du 21e siècle même si la réalité de l’exercice budgétaire présente plutôt des Etats très interventionnistes avec des dépenses très élevées et des endettements importants.
Constatant ainsi que libéralisme et interventionnisme sont deux réalités certes opposées mais auxquelles les Etats ne pourraient se soustraire, l’enjeu du 21e siècle réside peut-être dans la possibilité de concilier ces deux réalités, c’est-à-dire de savoir combiner, sans que l’un ne prenne exagérément le dessus sur l’autre, l’impôt et l’emprunt dans la gestion des finances publiques[67].Toutefois, si cet équilibre est envisageable, il est certain qu’il soit difficile de le maintenir dans des circonstances exceptionnelles, en période de crise par exemple.
La Covid-19 et le retour en force de la mystique du phénomène de l’endettement public
En Europe, que l’on soit en France ou en Allemagne, l’histoire finit par se répéter encore et encore : l’utilisation par les Etats du mécanisme de l’emprunt, et donc de l’endettement pour gérer les crises, supporter l’augmentation des dépenses engendrée par ces situations de crise et relancer ensuite l’économie qu’elles ont affaiblit[68]. Jean-Yves Grenier précise que «l’Europe fournit les meilleures illustrations que la guerre eut un rôle essentiel, presque permanent, comme facteur d’un endettement[69]». En effet, pendant les deux grandes guerres mondiales, on observe dans les pays d’Europe une véritable augmentation de la dépense publique due effectivement au recours à l’emprunt public pour accroitre les capacités guerrières de ces Etats[70]. Ce lien entre la crise et l’endettement public peut également s’observer avec la crise de 2008, et aujourd’hui encore, en ce 21e siècle, avec la crise sanitaire du coronavirus (Covid-19) qui a permis de voir comment les Etats européens (France, Allemagne …) se sont considérablement endettés pour y faire face et mettre en place des plans de relance économique. C’est donc dire qu’avec cette crise sanitaire, l’histoire se répète une fois de plus ou une fois de trop[71] ? Selon les données chiffrées fournies par l’office statistique de l’Union Européenne (Eurostat)[72], la dette publique s’élève en France à 115,7% du PIB à la fin du quatrième trimestre 2020, contre 97,6% du PIB à la fin du quatrième trimestre 2019[73]. En Allemagne, la dette publique atteint les 69,8% du PIB à la fin du quatrième trimestre 2020 alors qu’elle était à 59,7% PIB à la fin du quatrième trimestre 2019[74].Cette progression de la dette publique dans ces deux pays, comme on le constate, peut simplement s’expliquer par le fait que la crise économique liée à la pandémie du coronavirus a eu pour effet d’aggraver le déficit public[75]en impactant les deux composantes du solde budgétaire, c’est-à-dire en diminuant les recettes[76] et en augmentant les dépenses[77].
Les pourcentages d’endettement public atteints par la France et l’Allemagne en 2020 interrogent cependant la pertinence et l’effectivité des seuils de déficit (3% du PIB) et de dette publics (60% du PIB) fixés par le Traité de Maastricht de 1992. En effet, de tels pourcentages peuvent faire penser que ces seuils, dits ‘critères de convergence’, ne sont finalement que des «instruments d’encadrement[78]» prévus à titre indicatif et dont le caractère contraignant est très relatif. Ce qui n’est peut-être pas faux! Pour preuve, Messaoud Saoudi affirme que ces seuils «sont rarement respectés et lorsque les Etats violent ces règles (…) la mise en œuvre d’une sanction à leur égard est délicate[79]». Ainsi on peut donc comprendre pourquoi, s’agissant desdits seuils, l’auteur parle de «règles politiques à géométrie variable[80]».
Outre les questions relatives à la pertinence et à l’effectivité des critères de convergence, les pourcentages élevés de déficit et de dette publics atteints par la France et l’Allemagne en 2020 posent également le problème de la soutenabilité de la dette publique, c’est-à-dire la capacité de ces Etats à rembourser les emprunts ou dettes contractées auprès des créanciers. Le problème de la soutenabilité de la dette publique se pose avec légitimité d’autant plus que les membres du G7 se sont engagés depuis le 5 juin 2021 dans un processus d’harmonisation de la fiscalité – plus précisément de l’impôt sur les sociétés (IS) – en prévoyant un taux minimal d’imposition de 15% sur les bénéfices des entreprises multinationales. Si cette recherche d’homogénéisation de l’impôt sur les sociétés a l’avantage de permettre une fiscalité plus «juste[81]» et d’éviter ce qu’il convient d’appeler le « dumping fiscal »[82], il reste qu’elle peut aussi avoir un inconvénient non négligeable : en supprimant la liberté ou la possibilité qu’à chaque Etat de fixer le taux d’imposition de son choix, cette politique d’harmonisation ou d’homogénéisation de l’IS pourraient fragiliser les capacités financières de certains Etats qui, grâce à des taux élevés d’IS d’autrefois (au-dessus de 15% par exemple), parvenaient à mobiliser d’importantes ressources budgétaires leur permettant de financer à la fois les politiques publiques mais aussi le remboursement de la dette. C’est donc sur la base de cet inconvénient qu’on a pensé que le nouveau contexte d’harmonisation de l’IS interroge la question de la soutenabilité de la dette publique.
Pour revenir à la crise sanitaire de la covid-19 et pour finir, nous dirons que cette crise, en favorisant l’endettement public en ce 21e siècle dominé par la philosophie libérale, est manifestement la preuve de l’ancrage de la pratique interventionniste dans les mœurs de la gestion publique, mais aussi la preuve qu’en situation exceptionnelle le recours à l’emprunt reste l’instrument d’action privilégié des Etats à l’exclusion de toutes politiques libérales. Ainsi donc, avec la crise sanitaire du coronavirus, c’est à un retour en force du phénomène de l’endettement auquel on assiste aujourd’hui. Toutefois, ce recours perpétuel et systématique à l’emprunt en période de crise ne démontre-t-il pas la faiblesse ou l’incapacité des Etats à se réinventer et à s’adapter à un environnement qui devient de plus en plus incertain.
[1] MEDE, Nicaise, Finances Publiques: Espace UEMOA/UMOA, L’Harmattan, 2016, p.51.
[2] MENGUE ME ENGOUANG, Fidèle, Les Finances Publiques du Gabon: Droit budgétaire et droit de la comptabilité publique, L’Harmattan, 2018, p.19.
[3] MEDE, Nicaise, op. cit., p.49.
[4] Ce caractère pluri ou multi-disciplinaire des finances publiques n’est sans doute pas faux! Car si les finances publiques ont pour objet l’étude des règles et techniques relatives à la gestion des moyens financiers des personnes publiques : Etat, collectivités locales, établissements publics, organisations internationales, et que dans ce sens elles relèvent, en tant que savoir académique, de la science juridique (cf. Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, op.cit., p.19) et précisément (des matières) du droit public : droit constitutionnel, droit administratif, droit international, il reste cependant que cette discipline entretient des rapports relativement étroits avec d’autres sciences sociales qu’il convient de mettre en œuvre pour sa bonne compréhension.
[5] BOUVIER, Michel, ESCLASSAN, Marie-Christine, et LASSALE, Jean-Pierre, Finances Publiques, LGDJ, 10e édition, 2010, p.18.
[6] MEDE, Nicaise, op. cit., p.49.
[7] Ibid.
[8] Cette interdépendance entre l’économie et les finances publiques se justifie par le fait que l’économie procure des ressources aux finances publiques et inversement, les finances publiques alimentent, par les dépenses publiques, la demande de biens et services marchands (Voir Nicaise MEDE, op.cit., p.49).
[9] Nous souhaitons préciser que par endettement public on fait simplement allusion à l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunts par une personne morale de droit public, notamment l’Etat.
[10] Il faut le reconnaitre, toutes les sociétés aujourd’hui, qu’elles soient développées ou en développement, sont confrontées et s’intéressent avec acuité au phénomène de l’endettement public qui s’est accentué avec la crise sanitaire (Covid-19) qui sévit sur le monde entier actuellement.
[11] La question de l’endettement public n’a jamais fait l’unanimité chez les théoriciens de l’économie politique. Sa perception varie selon les âges et les écoles de pensée.
[12] Le libéralisme étant, en effet, le courant de pensée dominant le 19e siècle (période importante de l’histoire européenne de l’économie financière et politique).
[13] Ces principes, nous le pensons, entretiennent des liens très étroits entre eux, et ce n’est que pour des raisons de pédagogie et clarté que nous les présentons distinctement. Ils peuvent être perçus soit comme l’un allant de pair avec l’autre, soit l’un comme la conséquence de l’autre.
[14] «Qu’ils soient modérés ou considérés comme 'ultra-libéraux' au sens par exemple où l’entendent Breton et Luftalla (1991), de nombreux libéraux français considèrent avec Jean-Baptiste Say que les consommations publiques doivent être aussi faibles que possible… Trois raisons principales sont évoquées pour justifier le principe de limitation des dépenses publiques. D’abord, le fait que la dépense publique soit sujette à des prises de décision arbitraires car les décideurs ne sont pas les payeurs. Ensuite, l’idée que la dépense publique est souvent liée de façon moins efficace que si elle était réalisée par le secteur privée… La dernière raison, enfin, est relative au problème de la spécialisation : plus la variété des productions de l’Etat est grande, moins ce dernier est spécialisé et moins donc il est efficace. Ainsi, moins le domaine d’intervention légitime de l’Etat est grand, moins les risques de choix dispendieux sont élevés» (Voir SILVANT, Claire, «Dette publique et financement de l’Etat chez les économistes français (1840-1900)», Oeconomia [en ligne], 9-4, 2019, §23-§25 mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 24 mai 2021. URL: http// journals.openedition.org/oeconomia/7115 ; DOI : https://doi.org/10.4000/oeconomia.7115).
[15] Les activités régaliennes sont celles relatives à l’armée, la police, la justice, la diplomatie, la défense…On peut aussi parler de fonctions ou de missions régaliennes. Ces activités ne peuvent normalement être assurées par les personnes privées «puisqu’elles sont, par nature, dévolues à la puissance publique» (Voir MEDE, Nicaise, op. cit., p.54).
[16] MEDE, Nicaise, op. cit., p.56.
[17] Par exemple, «l’impôt ne doit pas être utilisé comme un instrument pour peser sur les choix économiques et sociaux ni pour introduire plus d’égalité dans la répartition des revenus des citoyens ; la vie économique et sociale devant relever du libre jeu des forces du marché…» (Voir MEDE, Nicaise, op.cit., p.57).
[18] DELON DESMOULIN, Corinne, Droit budgétaire de l’Union européenne, LGDJ, 2011, p.155.
[19] SEVERINO, Caterina, Les Finances Publiques en Europe, (sous la direction de Gilbert ORSONI), Economica, 2007, p.252.
[20] L’interdiction du déséquilibre budgétaire implique que le budget de l’Etat ne doit être ni en déficit – dans la mesure où normalement l’Etat ne devrait pas se permettre de dépenser plus d’argent qu’il n’en gagne – ni en excédent, puisque cet excédent peut se lire comme une preuve ou une conséquence des prélèvements excessifs opérés sur l’activité économique. Aussi, un budget en excédent peut entrainer un gaspillage des finances publiques car «L’histoire de nombreux pays enseigne que les gouvernements ont toujours une propension à dépenser sans compter la manne financière générée par les excédents budgétaires, même lorsque l’utilité des dépenses projetées n’est pas avérée» (Voir MENGUE ME ENGOUANG, Fidèle, op. cit., p.102).
[21] DELON DESMOULIN, Corinne, op. cit., p.155.
[22] Ce dogme est bien visible, en tout cas en ce qui concerne, l’équilibre prévisionnel. (Voir ORSONI, Gilbert, et VIESSANT, Céline, Eléments de finances publiques, Economica, 2005, p.11).
[23] «Il apparait que les économistes français de la seconde moitié du 19e siècle restent marqués par les idées de Jean-Baptiste SAY. Ils s’opposent ainsi à la dette publique comme manière de financer l’Etat, et se revendiquent en cela héritiers de Montesquieu, Hume, Quesnay, Turgot, Say, Smith et Ricardo… Mais il serait partiellement faux d’affirmer que les libéraux rejettent en toute circonstance l’emprunt public… On retrouve chez de nombreux libéraux l’idée selon laquelle dans un contexte particulier de hausses des dépenses publiques (par exemple un conflit armé ou une révolution) où les capacités contributives des citoyens sont mises à mal, la dette publique pourrait être une solution de moindre mal puisqu’elle fait appel à des contributions volontaires contrairement à l’impôt qui est un prélèvement forcé.» (Voir SILVANT, Claire, op. cit., §33 et §37).
[24] Chez les économistes libéraux, une diminution de l’activité privée est inconcevable car celle-ci est source de développement économique.
[25] Dette perpétuelle ou viagère.
[26] SILVANT, Claire, op. cit., §34.
[27] On pourrait également envisager l’hypothèse où le paiement de l’intérêt de la dette se fait grâce à un meilleur rendement des ressources existantes, par exemple en période de croissance économique.
[28] SILVANT, Claire, op. cit., §34.
[29] La formule est d’Aurélien Baudu, «l’exécution administrative et comptable de la loi de finances (notice 6)», dans Finances Publiques (sous la direction d’André Roux), La documentation française, 3e édition, Paris, 2011, p.85.
[30] C’est le cas par exemple lorsqu’un gouvernement, par calcul stratégico-politique, fait peser le remboursement de l’emprunt public sur les générations futures. Par exemple, s’il se rend compte qu’un prélèvement à la hausse des impôts sur les générations présentes pourrait créer une frustration sociale et, éventuellement, déclencher une «rébellion» n’allant pas dans l’intérêt des gouvernants qui souhaitent naturellement rester le plus longtemps possible au pouvoir.
[31] Un citoyen peut ne pas pouvoir, par exemple, se soigner ou acheter des médicaments du fait d’une perte (substantielle) de son pouvoir d’achat entrainée par une hausse ou un prélèvement à la hausse des impôts.
[32] En renforcement de ces deux hypothèses, on peut évoquer une troisième selon laquelle ce sont les classes sociales populaires qui sont victimes du remboursement de la dette publique et non pas les politiciens qui sont généralement issus des milieux bourgeois. Cette critique est ou a été faite par les auteurs socialistes ou marxistes pour qui la dette publique représente la violence des idées économiques de la classe bourgeoise sur une autre classe, en l’occurrence la classe prolétarienne. En effet, chez Karl Marx la dette publique représente le symbole des intérêts économiques et politiques qu’ont en commun une classe dominante qui se sert de l’appareil étatique pour défendre son emprise. Dans ce contexte, la dette ou l’emprunt public ne sert pas le peuple mais «serait plutôt au seul service du capital privée» (Voir BONNEVILLE, François, «(Dé)politiser», Revue Gestion et Finances Publiques, 2018/2, N°2, p.50).
[33] Provenant exclusivement des prélèvements obligatoires (essentiellement de l’impôt[33]), les ressources de l’Etat sont limitées.
[34] En période de crise économique et de guerre, l’augmentation de l’impôt pour le financement des dépenses de l’Etat n’est pas envisageable car le revenu des contribuables et le pouvoir d’achat des ménages sont considérablement en baisse.
[35] GRENIER, Jean-Yves, Introduction. Dettes d’Etat, dette publique In : La dette publique dans l’histoire : « Les Journées du Centre de Recherches Historiques » des 26, 27 et 28 novembre 2001 [en ligne]. Paris : Institut de la gestion publique et du développement économique, 2006, p.3. (Généré le 24 mai 2021). Disponible en Internet : http://books.openedition.org/igpde/1810. ISBN : 9782821828339. DOI : https://doi.org/10.4000/books.igpde.1810.
[36] Gilbert ORSONI et Céline VIESSANT, op.cit., p.6.
[37] Mark SPOERER, La dette publique allemande après la Première Guerre mondiale : origines et politique de gestion In : Les crises de la dette publique : XVIIIe – XXIe siècle [en ligne]. Paris : Institut de la gestion publique et du développement économique, 2019, p.191. (Généré le 24 mai 2021). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/igdde/6147. ISBN : 9782111294684. DOI : https://doi.org/10.4000/books.igpde.6147.
[38] « En France, au 19e siècle, les dépenses publiques (essentiellement les dépenses de l’Etat) représentaient environ 10% de la richesse nationale…Après la Seconde Guerre mondiale, elles avaient triplé et constituaient plus de 30% de la richesse nationale » (Voir Gilbert ORSONI et Céline VIESSANT, op.cit., p.16).
[39] On veut précisément dire que l’endettement public, en favorisant l’augmentation de la dépense publique, est aussi désormais pensé comme un instrument (d’action) au service de la création de la richesse ; puisque cet accroissement de la dépense – par l’emprunt public – permettra de financer et de concrétiser dans de multiples secteurs (éducation, culture, industrie, travaux publics…) des projets de développement qui sont producteurs de richesse.
[40] En ce sens qu’il soit présenté comme un moyen de lutte contre les crises mais aussi comme un instrument pour stimuler le développement économique et social.
[41] John Maynard KEYNES est un fervent défenseur de l’interventionnisme étatique dont la pensée est prédominante au 20e siècle
[42] Un des arguments militant en faveur de l’emprunt et donc de l’endettement public est celui de sa célérité. Cet argument est précisément développé par Paul CAUWES qui affirme que l’emprunt permet un recouvrement rapide, « (…) la célérité de l’emprunt est un fait éclatant, que les adversaires de ce système financier ne peuvent méconnaitre… » (Voir Claire SILVANT, op.cit., §.50).
[43] L’Etat, en tant qu’agent légitime de promotion du progrès économique et social, doit effectivement remplir de nombreuses missions ou fonctions.
[44] Au regard de ces nombreuses missions, on peut bel et bien se rendre compte que faire un emprunt ou contacter une dette ne sera pas seulement un avantage pour l’Etat, il le sera aussi pour les personnes privées.
[45] François BONNEVILLE, op.cit., p.53.
[46] Ces principes, nous l’avons déjà dit concernant les tous premiers cités, entretiennent des liens très étroits entre eux, et ce n’est que pour des raisons de pédagogie et clarté que nous les présentons distinctement. Ils peuvent être perçus soit comme l’un allant de pair avec l’autre, soit l’un comme la conséquence de l’autre.
[47] Ce principe s’oppose à l’idée que les dépenses de l’Etat doivent être impérativement limitées et seulement financées par les prélèvements obligatoires (principalement l’impôt).
[48] Ce principe s’oppose à celui de la neutralité budgétaire.
[49] Le principe du déficit budgétaire s’oppose à celui de l’équilibre budgétaire.
[50] La baisse de l’activité économique privé en période de crise conduit généralement les Etats à baisser les impôts.
[51] « Le terme de ‘’ renouveau ‘’ de la pensée libérale ne doit pas induire en erreur. Il ne s’agit pas tant d’une redécouverte que d’un regain de popularité de cette pensée » (Voir Michel BOUVIER et al, op.cit., p.214).
[52] Pour en savoir plus sur ces nombreuses autres raisons, Voir Gilbert ORSONI et Céline VIESSANT, op.cit., p.13.
[53] Michel BOUVIER et al, op.cit., p.58.
[54] C’est aussi à la faveur d’une crise matérielle que s’opère le retour à la tradition libérale. Car, au cours des années 1970 l’inflation va en s’accroissant, le chômage se développe, le taux de croissance diminue sans que l’Etat aux prises avec une crise financière puisse réagir efficacement à ces divers problèmes. (Voir Michel BOUVIER, op.cit., p.213).
[55] Ibid., p.213.
[56] Messaoud SAOUDI, «Le risque souverain dans la zone euro», Revue de l’Union européenne, Dalloz, N°597, avril 2016, p.235.
[57] «L’Europe communautaire a fait le pari (et le choix) du libéralisme économique. Sa logique est celle de l’économie de marché…». (Voir Michel BOUVIER et al, op.cit., p.176).
[58] Ibid., p.145.
[59] Ibid., p.145.
[60] Ibidem., p.145.
[61] Idem, p.147.
[62] Imposée par les conditions extérieures, l’économie de marché est le modèle de fonctionnement économique de l’idéologie libérale.
[63] La pratique montre qu’aujourd’hui encore les Etats continuent à s’endetter afin d’accroitre leurs dépenses dans le but non seulement de stimuler l’économie mais aussi de réduire les inégalités sociales.
[64] Cet endettement peut non seulement avoir des effets négatifs sur la productivité globale de leur économie mais aussi faire naitre ce qu’il convient d’appeler «un risque souverain». Le risque souverain peut se définir comme «la probabilité qu’a un Etat de ne pouvoir rembourser sa dette contractée auprès de ses créanciers» (Voir Messaoud SAOUDI, op.cit., p.232).
[65] «[Par exemple,] l’appartenance d’un Etat comme la France [ou l’Allemagne] à la ‘zone euro’ le soumet à l’obligation d’assainir ses finances publiques et ainsi à se conformer à ses engagements – Font parties des engagements de la zone euro, le Traité de Maastricht de 1992 qui, en jetant les bases de l’euro, a prévu un certain nombre de critères de convergence ayant vocation de rapprocher des économies très différentes des Etats membres. Ainsi, pour rentrer dans la zone euro et réaliser l’union économique et monétaire (UEM), les Etats membres de l’Union européenne doivent respecter les critères dits ‘de Maastricht’ énoncés à l’article 140 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Afin que la situation de leurs finances publiques soit jugée ‘soutenable’ leur budget ne doit pas accuser de ‘déficit excessif’, précisé comme suit dans le protocole n°12: le déficit public annuel ne doit pas excéder 3% du produit intérieur brut (PIB), et la dette publique de l’Etat et des agences publiques 60% du PIB – en particulier au pacte de stabilité et de croissance (PSC) de 1997 – (Le PSC a été adopté au Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997. Le PSC est l’instrument dont les pays de la zone euro se sont dotés afin de coordonner leurs politiques budgétaires nationales et d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs. Il impose aux Etats de la zone euro d’avoir à terme des budgets proches de l’équilibre ou excédentaires) – rénové par le traité intergouvernemental du 2 mars 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Appelé également Traité de Bruxelles ou encore «pacte budgétaire européen», le TSCG est signé le 02 mars 2012 par 25 Etats sur 27 (sauf Royaume-Uni et République Tchèque). Ce Traité, entré en vigueur en 2013, impose aux administrations publiques d’avoir des budgets en équilibre ou en excédent – au sein de l’UEM » (Voir Messaoud SAOUDI, op.cit., p.238).
[66] Ibid., p.236.
[67] On veut dire que si les excès (uniquement libéral ou totalement interventionniste) ont généralement des effets négatifs, le choix d’un Etat mi libéral mi interventionniste serait probablement le plus en même de faire face aux grands défis du monde contemporain.
[68] Cela a été le cas pendant les deux grandes guerres mondiales où on a bien pu voir que les pays européens (France et Allemagne) ce sont fortement endettés pour assurer le redressement économique au sortir des guerres mais aussi pour financer les guerres elles-mêmes.
[69] Jean-Yves GRENIER, op.cit., p.3.
[70] En France par exemple, comme cela a été signifié dans les précédents développements, « la dépense publique représentait un peu plus de 10% du PIB avant 1914, puis près de 20% entre les deux guerres mondiales… » (Voir Gilbert ORSONI et Céline VIESSANT, op.cit., p.6). En Allemagne, les emprunts ont couvert un peu moins des deux tiers des dépenses de guerres (Voir Mark SPOERER, op.cit., p.191).
[71] La pandémie du coronavirus, qui a débuté en fin d’année 2019 en Chine avant de se propager dans le monde, a en effet provoqué un accroissement de l’endettement public dans les pays d’Europe.
[72] Communiqué de presse de Eurostat, «La dette publique en hausse à 98% du PIB dans la zone euro», 23 avril 2021
[73] En France, la dette publique a donc évolué de 18,1% du PIB entre 2019 et 2020.
[74] En Allemagne, la dette publique a ainsi évolué de 10,1% du PIB entre 2019 et 2020.
[75] En France, le déficit public est passé de 3,1% du PIB en 2019 à 9,2% du PIB en 2020, soit une accentuation de 6,1% du PIB. En Allemagne, par contre, on est passé d’un excédent de 1,5% du PIB en 2019 à un déficit public de 4,2% du PIB 2020, soit une dégradation de 2,7% du PIB (Voir communiqué de presse d’Eurostat, «Déficit public de 7,2% du PIB dans la zone euro et de 6,9% dans l’UE», 22 avril 2021).
[76] Si les recettes publiques de 2020, en France comme en Allemagne, sont dans l’ensemble sensiblement supérieures à celles l’année précédente (France: 52,3% du PIB en 2019 contre 52,9% du PIB en 2020; Allemagne: 46,7% du PIB 2019% contre 46,9 du PIB en 2020), il reste que le montant de certaines ressources de l’Etat, comme les recettes de TVA par exemple, ont diminué du fait de la récession que traverse actuellement les pays d’Europe, récession effectivement liée à la crise du coronavirus. A propos de ces données chiffées, voir le communiqué de presse de Eurostat, «Déficit public de 7,2% du PIB dans la zone euro et de 6,9% dans l’UE», 22 avril 2021.
[77] Les pays européens ont augmenté leurs dépenses afin de soutenir l’économie et faire face aux conséquences de la crise du coronavirus. En France, les dépenses publiques sont passées de 55,4% du PIB en 2019 à 62,1% du PIB en 2020, soit une augmentation des dépenses publiques de 6,7% du PIB. En Allemagne, les dépenses publiques sont passées de 45,2% du PIB en 2019 à 51,1% du PIB en 2020, soit une augmentation des dépenses publiques de 5,9% du PIB. A propos de ces données chiffrées voir le communiqué de presse de Eurostat, «Déficit public de 7,2% du PIB dans la zone euro et de 6,9% dans l’UE», 22 avril 2021.
[78] Messaoud SAOUDI, op.cit., p.237.
[79] Messaoud SAOUDI, op.cit., p.237. Aussi, l’auteur précise qu’en 2003 la procédure de sanction n’a pas été mise en œuvre par le Conseil à l’égard de la France et l’Allemagne – ces deux grands Etats – qui ont violé les règles qu’ils se sont eux-mêmes fixées.
[80] Messaoud SAOUDI, op.cit., p.237.
[81] Cette harmonisation de l’impôt sur les sociétés (IS) permettra la taxation des entreprises multinationales dans le pays où les activités sont réalisées et non dans le pays où se trouve le siège social.
[82] Concernant ce terme, voir Gilbert ORSONI et Céline VIESSANT, op.cit., p.13. On peut définir le dumping fiscal comme une pratique consistant à mettre en place une politique fiscale visant à attirer des capitaux étrangers sur un territoire. Dans l’Union européenne, sont considérés comme des pays faisant du dumping fiscal : Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas.